Il y a 3 fois plus d’or sur terre que sous terre

L'Agefi - 23 mai 2019
Mazars observe la pression grandissante des consommateurs et des ONG sur les affineurs et les maisons horlogères et joaillères sur l'origine des matières précieuses.

Le groupe Mazars Suisse est accrédité comme auditeur par le Responsible Jewellery Council (RJC). Il a aussi développé une prestation de services dans le domaine de la responsabilité sociétale pour les sociétés actives dans le luxe. Interview de Franck Paucod, associé audit chez Mazars à Genève.

Le groupe Mazars (dans une dizaine de pays dont la Suisse) est auditeur accrédité par le Responsible Jewellery Council (RJC). Quel est votre avis sur les enjeux conjoncturels pour les affineurs et les joailliers et horlogers, notamment en Suisse?

J’observe principalement 2 enjeux conjoncturels: l’initiative sur les multinationales responsables (repoussée à 2020) et la pression grandissante des consommateurs et des ONG sur les affineurs et les maisons horlogères et joaillières. Environ 70% du volume d’or extrait mondialement est affiné en Suisse où les entreprises sont soumises à un environnement juridique et réglementaire moins permissif qu’au sein d’autres pays.

Quel est le niveau d’engagement des maisons horlogères/joaillères pour améliorer les conditions de vie et de travail des extracteurs de minerai?

Dans cette industrie, les maisons cumulent les étapes d’approvisionnement, de fabrication et de distribution de leurs produits finis. En conséquence, elles sont pointées du doigt par les ONG quant à leur chaîne d’approvisionnement. On observe également une prise de conscience sociétale globale sur ces questions.

Face à cette pression grandissante, l’industrie a décidé d’apporter des réponses.  Comme la certification à des labels. Mais parfois, ces réponses ont pour conséquence de soulever plus de questions de la part des ONG. C’est le cas, suite à la publication de l’étude Human Rights Watch en février 2018, qui avait contacté 13 marques au sujet de leur respect de l’approvisionnement en or durable, et qui avait effectué un classement. Trois marques n’avaient pas fourni d’informations à l’ONG et ne figuraient dès lors pas dans ce classement.

Lorsque les marques commencent à communiquer sur ce sujet, les ONG ont plus d’opportunité d’investiguer et d’effectuer une revue critique.

Quels sont ces éléments de réponse de la part de l’industrie horlogère?

L’industrie horlogère a répondu à cette préoccupation par la création de labels de certification auxquels adhèrent les marques et leurs sous-traitants. Un des premiers labels est le RJC qui compte plus de 1000 membres. Plus récemment en Suisse,  le label Eco-Entreprise a vu le jour et s’adresse à toutes les industries notamment l’horlogerie. Pour les affineurs et leurs fournisseurs, il existe d’autres certifications telles que Fairtrade, Fairmined et plus récemment Swiss Better Gold Association, initiée par le SECO.  Enfin, des labels d’initiative privée existent, comme le PX Impact de PX Precinox ou le Green Gold de Valcambi. Mazars – auditeur accrédité pour 6 labels – a audité une quarantaine de sociétés en Suisse et dans la dizaine de pays où le groupe Mazars est accrédité.

Comment s’organise l’industrie face à l’initiative sur les multinationales responsables?

L’enjeu ici est bien supérieur car c’est la chaîne d’approvisionnement tout entière sur laquelle la responsabilité de l’industrie doit porter.

Chaque société horlogère doit pouvoir démontrer qu’elle possède la parfaite maîtrise de toute sa chaîne d’approvisionnement, notamment en matières et pierres précieuses. Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui.

Quelle est la proportion représentée par l’or d’origine minière?

Il a y 3 fois plus d’or sur terre que sous terre. Outre l’or minier – seul concerné par les labels – il y a l’or issu des vieux bijoux collectés, des lingots d’or des banques centrales, des banques, des individus, sur lequel il n’existe aucune traçabilité possible. L’enjeu aujourd’hui serait de dire: je maîtrise ma chaîne d’approvisionnement pour de l’or minier traçable. C’est notamment la déclaration d’un groupe horloger helvétique en décembre 2018. Une autre alternative, prévue par le RJC, est de considérer les lingots bancaires produits avant le 1er janvier 2012 (date de sortie de la Responsible Gold Guidance par la London Bullion Market Association) comme amnistiés, afin d’utiliser des ressources en or déjà extraites et disponibles, même si leur origine n’est pas connue.