Réformes fiscales 2021 : un impact positif sur le financement des entreprises en Suisse

Le législateur devrait abroger prochainement le droit de timbre d’émission et le droit de timbre de négociation prélevé sur les achats/ventes d’obligations suisses. Ces deux projets seront traités par le Parlement au printemps prochain. En parallèle, le projet de réforme de l’impôt anticipé propose son abolition sur les rendements des obligations suisses. Ces changements législatifs contribueraient à réduire le coût fiscal du financement des sociétés.

Les PME forment plus de 99% du tissu économique suisse et génèrent au moins deux tiers des emplois. La plupart des entreprises suisses constituées sous la forme de sociétés de capitaux sont majoritairement détenues et gérées par des personnes privées. Pour ces dernières, l’accès au marché des capitaux est souvent difficile même si, depuis quelques années, de nouvelles formes de financement apparaissent, comme le crowdfunding qui a généré plus de CHF 500 millions en 2018 et qui ne cesse de se développer en Suisse. 

Le financement des entreprises : un enjeu crucial pour l’économie suisse

Avec la situation sanitaire actuelle, le financement des PME est devenu un sujet crucial. L’abandon du droit de timbre de 1% sur les apports des actionnaires apporterait un allègement fiscal apprécié des entrepreneurs dont l’objectif est de pérenniser l’activité de leur entreprise. Notons que la franchise, jusqu’à hauteur de CHF 1 million d’apports, ne s’applique qu’en présence d’une augmentation du capital social, les apports à fonds perdus et les abandons de créances étant entièrement imposés. Bien que la loi fiscale prévoit des exonérations dans certains cas d’assainissement, l’abolition du droit de timbre d’émission ne représenterait plus un frein, ni pour le financement des entreprises saines ni pour la recapitalisation des sociétés en situation de perte de capital ou de surendettement.   

Dans le cas des grandes sociétés ayant un accès facilité à la bourse, la réforme de l’impôt anticipé augmenterait l’attractivité de l’emprunt obligataire pour les investisseurs car le rendement ne serait plus soumis à l’impôt anticipé de 35%. Cette exonération serait très appréciée par les créanciers étrangers pour qui cette charge est parfois un coût fiscal définitif. Pour les créanciers suisses, ou ceux ayant le droit au remboursement en vertu d’une convention en vue d’éviter la double imposition internationale, la perception de l’impôt entraînerait dans tous les cas un blocage temporaire des liquidités jusqu’à son remboursement, au plus tôt l’année suivante.

Financement par fonds propres ou étrangers ?

Avec ces réformes fiscales, la question du choix du financement, par fonds propres ou par fonds étrangers, devient un sujet central pour les PME, les sociétés étrangères qui viennent s’établir en Suisse et les grandes sociétés suisses. Les questions suivantes seraient d’actualité : est-il plus pertinent de se financer par fonds propres auprès des actionnaires existants ou avec l’entrée d’un nouvel actionnaire ? Est-il préférable de se financer auprès d’une banque ou par émission d’un emprunt obligataire ou via le crowdfunding ?

D’un point de vue strictement fiscal, la société devra faire un arbitrage entre les intérêts des actionnaires / créanciers et ses propres intérêts. Pour la société, l’avantage du financement par des fonds étrangers réside notamment dans la déductibilité de la charge financière de son bénéfice imposable.  En revanche, les fonds propres ne peuvent être rémunérés que par le biais d’un dividende n’engendrant aucune économie fiscale pour la société. Pour les actionnaires, les revenus d’intérêts sont imposables sans réduction fiscale alors que les dividendes peuvent bénéficier d’une exonération partielle, voire totale selon que l’actionnaire est une personne physique ou une personne morale. Les créanciers s’attacheront quant à eux à éviter toute retenue à la source sur les intérêts ou sur les dividendes car cette charge pourrait devenir un coût fiscal définitif.   

Cette ébauche des avantages et des inconvénients pour chaque intervenant n’est malheureusement pas aussi simple dans la réalité car d’autres aspects doivent être pris en considération. Pensons notamment à l’entreprise qui se finance par des fonds étrangers auprès de ses actionnaires et qui prend le risque de se retrouver en situation de sous-capitalisation. On ne peut ignorer qu’une situation de sous-capitalisation peut entraîner d’importants risques fiscaux : une partie du prêt de l’actionnaire peut parfois être qualifié de capital propre (dissimulé) entraînant la non déductibilité fiscale des intérêts et générant un prélèvement de l’impôt anticipé.

Conclusion

Malgré tout, en cas d’issue positive de ces modifications législatives, tant les PME que les grandes entreprises suisses recevront une impulsion financière positive. Elles pourront envisager de manière plus sereine le financement de leur expansion future ou leur recapitalisation en cas de situation financière difficile. 

Finalement, ces réformes fiscales rendront la place financière suisse plus compétitive sur la scène internationale, ce qui est incontestablement un atout pour notre économie fragilisée par la pandémie.  

Article rédigé par Marie-Hélène Revaz et Andriy Chubatyuk