TVA et transfert d’entreprise

Est-ce que le repreneur succède, dans tous les cas, au précédent titulaire dans ses droits et obligations TVA lors d’un transfert d’entreprise ?

Lors d’une une reprise totale d’une entreprise mais aussi dans le cas d’une reprise partielle, les obligations liées à la TVA peuvent être importantes. Un arrêt du Tribunal fédéral du 21 février 2020 (2C_923/2018) a rappelé les risques d’un point de vue TVA en cas de transfert partiel d’une société.

Que prévoit la loi ?

La loi prévoit qu’en cas de transfert d’entreprise, le successeur reprend les droits et les obligations du précédent titulaire. On retrouve notamment le transfert de la responsabilité pour les dettes passées qui fait également partie des éléments repris lors d’un transfert d’entreprise.

Cette règle est moins claire lorsqu’on est en présence d’un transfert partiel du patrimoine et que la société cédante continue d’exister. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a statué que le repreneur d’une partie des biens assume également les risques liés à la TVA.

Changement de pratique de l’Administration fédérale des contributions

A la suite de la décision du Tribunal fédéral, l’Administration fédérale des contributions (AFC) a modifié sa pratique en matière de succession fiscale liée à un transfert de patrimoine. L’AFC considère que la succession fiscale trouve son application lorsqu’il y a une reprise d’une partie du patrimoine et que cette même reprise partielle est effectuée entre des proches. 

Dans l’arrêt en question, le Tribunal fédéral a simplement jugé le cas d’espèce qui concernait des sociétés proches au sens de la loi sur la TVA. Dans cette décision, le Tribunal fédéral a pris une position claire. En revanche, la question de savoir si un cas similaire entre des tiers indépendants aurait conduit à la même décision, n’a pas été tranchée.

Par conséquent, nous considérons que l’applicabilité de cette même disposition à des tiers indépendants n’a pas été concrètement infirmée.

La succession fiscale en matière de TVA, entre tiers, présuppose-t-elle un transfert de tous les actifs et passifs ?

A notre sens, le risque d’application de la succession fiscale partielle entre des tiers indépendants n’est pas complétement exclu.

A titre de rappel, la disposition de succession fiscale a été rédigée dans le but de permettre à l’AFC de ne pas perdre un substrat fiscal dans le cas où le transférant serait complétement radié du registre des assujettis TVA. Dans ce contexte, la majorité de la doctrine défendait que la disparition du sujet fiscal était une condition à part entière pour l’applicabilité de la succession fiscale, et que par conséquent, l’entier des activités de la société devait être transféré.

Conclusion

En conclusion, le reprenant d’une entreprise lors d’un transfert total ou partiel doit bien garder à l’esprit que les risques TVA seront repris au moment du transfert. Il est par conséquent essentiel de s’assurer que l’entreprise transférante possède toute la documentation nécessaire en cas de contrôle TVA. De plus, il est fortement recommandé d’effectuer au préalable une analyse de la situation TVA de l’entreprise reprise lors notamment de « due diligence » afin de prendre en compte les différents risques lors de la négociation du contrat et du prix de vente.

En matière de transfert de patrimoine, la loi prévoit que l’aliénateur reste solidairement responsable envers le nouvel acquéreur pour les créances d’impôt nées avant le transfert d’entreprise. Cette disposition permet en principe de réduire les risques pour les créances d’impôt nées avant le transfert d’entreprise. Toutefois, cette responsabilité solidaire est limitée aux trois ans qui suivent l’annonce du transfert. En pratique, l’AFC déterminera le montant des reprises et s’adressera à l’acquéreur. Si l’acquéreur souhaite faire valoir la responsabilité solidaire, il lui incombe alors d’ouvrir une action en procédure civile contre l’aliénateur.

Nous vous rappelons enfin que le délai de prescription du droit de taxation est de cinq ans à compter de la fin de la période fiscale pendant laquelle la créance est née, sous réserve que celle-ci ne soit pas interrompue par un acte de procédure de l’AFC.

Un dernier rappel concernant les transferts immobilier : une attention particulière doit être portée à la documentation ainsi qu’à la conservation des documents en lien avec l'achat ou la vente d’immeuble. Un historique de l'affectation des immeubles est recommandé et celui-ci doit être également conservé (par exemple coûts de construction et/ou de rénovation, utilisation des surfaces, exercice de l’option, etc.). Lors de changements d'affectation, la correction de l’impôt préalable doit être effectuée rétroactivement sur les 20 dernières années et faire l'objet d'une vérification lors d'un contrôle TVA. C’est pourquoi il est essentiel de conserver ces documents pendant au moins 26 ans (20 ans + 5 ans + l’année en cours).

Article rédigé par Emina Selimovic, Vanessa Cilio et Laurent Bovet