Réforme de l’impôt anticipé : renforcement du marché des capitaux de tiers

Le Conseil fédéral adopte le message sur la réforme de l'impôt anticipé.

L’impôt anticipé et le droit de timbre de négociation portant préjudice au marché suisse des capitaux de tiers, le Conseil fédéral avait déjà ouvert une consultation sur ce sujet. Afin de renforcer l’attractivité de la Suisse dans ce domaine, il entend exonérer de l’impôt anticipé les revenus d’intérêts, à une exception près, et supprimer le droit de négociation sur les obligations suisses. Cette suppression ne concernera toutefois pas les intérêts sur des avoirs de clients versés à des personnes physiques suisses. 

Lors de sa séance du 14 avril 2021, le Conseil fédéral a adopté à cet effet le message concernant une modification de la loi fédérale sur l'impôt anticipé (renforcement du marché des capitaux de tiers). Par ailleurs, il met en consultation l'élargissement de la procédure de déclaration de l'impôt anticipé pour les dividendes versés au sein d'un groupe d'entreprises. 

Réforme de l’impôt anticipé 

Aujourd’hui, l’impôt anticipé constitue un obstacle majeur au marché suisse des capitaux de tiers, en particulier pour les obligations. D’après le droit en vigueur, les intérêts obligataires suisses sont soumis à l’impôt anticipé au taux de 35%. Tous les investisseurs, sans distinction, sont concernés par la déduction. En règle générale, la plupart des investisseurs ont droit à un remboursement total ou, à défaut, partiel de l’impôt anticipé. Cependant, la charge administrative liée à cette demande de remboursement est considérable. De plus, l’investisseur est privé d’une partie de ses liquidités entre le prélèvement et le remboursement de l’impôt. Ce problème touche aussi les investisseurs suisses exonérés (comme les caisses de pension). 

L'une des conséquences de cette situation est que la Suisse ne peut actuellement être décrite comme un lieu d'émission d’obligations attractif au regard des normes internationales. En raison de l'impôt anticipé de 35 % et des inconvénients qui en découlent pour les investisseurs, les sociétés suisses émettent généralement leurs obligations à l'étranger plutôt qu'en Suisse. De cette manière, ils s’assurent que leurs titres sont compétitifs. Toutefois, cette approche signifie que le marché suisse des capitaux de tiers est comparativement sous-développé. D’autre part, la création de valeur ainsi que l’emploi qui y est lié ont également lieu à l’étranger. 

La réforme visant à renforcer le marché des capitaux de tiers suisse prévoit donc les changements suivants : 

  • Suppression de l’impôt anticipé sur les intérêts obligataires

La réforme vise à supprimer la retenue de l'impôt anticipé sur les revenus d'intérêts de source suisse. Cette suppression ne concernera toutefois pas les intérêts sur des avoirs de clients versés à des personnes physiques suisses auprès des banques et des caisses d'épargne dont l'avoir est égal ou supérieur à CHF 200 et auprès des compagnies d'assurance. On peut donc présumer que la réforme encouragera l'émission d’obligations à partir de la Suisse jusqu'alors émises depuis l'étranger. Cette mesure permet de renforcer le marché suisse des capitaux de tiers. La suppression de l'impôt anticipé sur les intérêts créera en outre une incitation à réaliser à partir de la Suisse les activités de financement intragroupes. La réforme renforcera donc le marché des capitaux de tiers et stimulera la création de valeur et l'emploi en Suisse, et ce, déjà à moyen terme. 

  • Abolition du droit de timbre de négociation sur les obligations suisses

Le Conseil fédéral abrogera en outre le droit de timbre de négociation sur les obligations suisses. Il sera dès lors plus intéressant d'acquérir des obligations suisses auprès d'un négociant suisse en valeurs mobilières. 

Procédure de déclaration au sein d’un groupe d’entreprises

Selon la législation actuelle, les distributions de dividendes sont soumises à une retenue à la source de 35 %. Au lieu de verser l’impôt anticipé et en demander son remboursement ultérieurement auprès de l'Administration fédérale des contributions (AFC), ce qui représente une charge administrative considérable, il est désormais possible de bénéficier de la procédure dite de notification au sein d'un groupe de sociétés. Dans le cadre de la procédure de déclaration, il suffit donc de déclarer le dividende à l'AFC sans qu’il soit nécessaire de payer l'impôt anticipé. Actuellement, une participation d'au moins 20% est requise pour l'approbation de la procédure de déclaration simplifiée au sein d’un groupe de sociétés sises en Suisse. 

Le projet de réforme vise donc à étendre la procédure de déclaration de l'impôt anticipé pour les dividendes versés au sein d'un groupe d'entreprises. Cette procédure pourra à l'avenir être appliquée pour toute personne détenant une participation d'au moins 10%. 

Les groupes internationaux doivent obtenir l'autorisation de l'AFC pour la procédure de déclaration au moyen des formulaires 823, 823B ou 823C. Dans le contexte international, la quote-part à partir de laquelle une participation est considérée comme qualifiée dépend toujours de la convention de double imposition (CDI) en vigueur. A défaut de CDI, une quote-part de 10% sera applicable. Selon la législation actuelle, cette procédure de déclaration est valable pour une durée maximale de trois ans. Avec la réforme, la durée de l'autorisation sera portée à cinq ans. 

Par ailleurs, la procédure d'autorisation sera simplifiée sur le plan administratif. Cette consultation a été également ouverte par le Conseil fédéral. 

Conclusion 

Les milieux économiques saluent la décision du Conseil fédéral d’aller de l’avant avec l’importante réforme de l’impôt anticipé. Cette réforme rendra la Suisse attractive à la fois comme lieu d'émission d’obligations et pour l'établissement de groupes de sociétés. La procédure de consultation prendra fin le 14 juillet 2021 et l’entrée en vigueur de la nouvelle loi est attendue pour 2022. 

Article rédigé par Susanne Gygax et Dominique Roggo

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