Fiscalité agricole : les vieux réflexes peuvent coûter cher !

La fiscalité agricole a grandement évolué ces dernières années, de sorte que les exploitants du sol se retrouvent confrontés à d’importants défis fiscaux pour lesquels il est nécessaire de se poser les bonnes questions au bon moment afin d’éviter de lourdes charges fiscales. Une anticipation de ces enjeux couplée à une bonne planification permet de réduire grandement les impacts fiscaux, en particulier lors de la fin de l’activité ou de la transmission de l’entreprise agricole.

L’agriculteur : un indépendant comme les autres ?

La principale distinction entre un indépendant et un exploitant du sol réside dans le traitement fiscal des immeubles pouvant être qualifiés d’agricole. De manière générale, le bénéfice réalisé sur la vente d’un immeuble appartenant à la fortune commerciale d’un indépendant est intégralement soumis à l’impôt sur le revenu et à l’AVS, ce qui peut alors conduire à une charge fiscale pouvant atteindre près de 50%. La fiscalité des agriculteurs a cela de particulier que les immeubles agricoles bénéficient d’un allègement de l’imposition de la plus-value conjoncturelle en cas de réalisation.

Par le passé, une parcelle était qualifiée d’agricole si elle était utilisée par l’agriculteur dans le cadre de son activité indépendante. Or, depuis une jurisprudence de 2011, on ne peut qualifier d’immeuble agricole que les immeubles formellement soumis à la loi sur le droit foncier rural, réduisant ainsi le champ d’application de ce traitement fiscal privilégié.

Ce changement de paradigme implique donc que les agriculteurs doivent anticiper les questions fiscales avec les mêmes interrogations que n’importe quel autre indépendant, en particulier dès l’instant où ils sont propriétaires d’immeubles en zone à bâtir ou mixtes. 

La donation : une habitude qui peut coûter cher !

Il est fréquent que les agriculteurs souhaitent transmettre l’ensemble de leur exploitation à leurs descendants ou simplement donner un terrain afin que ces derniers puissent, par exemple, y construire leur propre habitation.

De manière générale, et que l’on soit dans un domaine agricole ou non, la donation d’un bien commercial a pour conséquence de générer une réalisation, et donc une potentielle imposition, selon la systématique fiscale.

Cependant, une exception relevant de la pratique des administrations existe lorsque l’ensemble d’une exploitation est donné à un proche (y compris une exploitation agricole).

Ainsi, la remise de domaine agricole par donation ne présente en général pas de problème fiscal immédiat. En revanche, tel n’est pas le cas en présence de la donation d’un immeuble commercial isolé ! Une telle situation peut entraîner des conséquences très lourdes pour le donateur qui doivent absolument être anticipées.

Plusieurs mécanismes existent afin de limiter ces incidences. Ainsi, des outils fiscaux efficaces sont à la disposition des agriculteurs afin de planifier au mieux la fin de leur activité ou son transfert. 

Le différé d’imposition : l’option de dernier recours !

Le différé d’imposition a pour objectif de suspendre l’imposition de la plus-value conjoncturelle lors du transfert en fortune privée d’un immeuble commercial jusqu’à la vente ultérieure de l’immeuble. Concrètement, le principal avantage de ce mécanisme est qu’il permet d’éviter de devoir s’acquitter d’un impôt alors qu’aucune rentrée de liquidités n’est intervenue. Le principal  et non négligeable inconvénient de cet outil est que lors de la vente ultérieure, la plus-value conjoncturelle additionnelle réalisée depuis le transfert en fortune privée sera également soumise à l’impôt sur le revenu ainsi qu’à l’AVS, générant une imposition qui pourrait s’avérer encore plus lourde que si ce mécanisme n’avait pas été utilisé.

A priori, cette option ne devrait donc être envisagée que dans des cas spécifiques où l’acquittement de l’impôt est impossible au moment de l’arrêt de l’activité. 

Imposition privilégiée des bénéfices de liquidation : l’incontournable !

Ce mécanisme a été mis en place afin d’imposer de manière allégée les bénéfices découlant de l’arrêt d’activité de l’indépendant. Sur cette base, toutes les réserves latentes réalisées durant les deux derniers exercices commerciaux précédent l’arrêt d’activité, sa vente ou sa donation peuvent être imposées de manière allégée si l’indépendant a plus de 55 ans et met un terme définitif à son activité lucrative indépendante.

Il s’agit d’un mécanisme qui allège de manière drastique la charge fiscale consécutive à l’arrêt d’activité et sa bonne planification permet d’incorporer les plus-values les plus importantes dans ce bénéfice de liquidation et ainsi procéder au transfert des biens dans la fortune privée à un coût fiscal fortement amoindri.

Transformation de l’activité indépendante en société de capitaux : un outil à la disposition de tous !

La transformation de l’activité indépendante en société de capitaux n’est plus uniquement réservée aux autres. A ce jour, tout exploitant du sol peut également transformer son exploitation agricole en société de capitaux et ainsi bénéficier des avantages de ce type de structure. En effet, la pratique démontre que tant les aspects relatifs au droit foncier rural qu’aux paiement directs sont parfaitement compatibles avec une organisation sous forme de société de capitaux, sous réserve du respect de certains critères. De plus, une transformation, en société de capitaux peut donner accès à l’imposition privilégiée des bénéfices de liquidation de l’activité indépendante, quand bien même l’agriculteur continue son activité professionnelle (en tant que salarié de sa nouvelle société).

L’exploitant du sol est, aujourd’hui plus que jamais, un indépendant comme les autres. Il doit s’interroger sur les enjeux fiscaux en amont de toute opération touchant son patrimoine commercial et user de la totalité des outils fiscaux existants, permettant l’atténuation de la charge fiscale. Ainsi, de nouveaux réflexes doivent absolument être acquis. Anticipation, préparation et accompagnement sont les maîtres-mots. A ce sujet, l’examen par un professionnel de la fiscalité s’avère aussi utile qu’indispensable avant de procéder à ce type d’opération, tant les problématiques rencontrées sont complexes et s’entremêlent. 

Article rédigé par Ludovic Pasche et Isabelle Bugnon

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