La révolution numérique dans l'environnement fiscal actuel

La vie des consommateurs a considérablement changé au cours des dernières années. Il est facile de réaliser que la plupart de nos décisions quotidiennes sont influencées par l'économie de la numérisation, les grandes entreprises telles qu'Amazon, Spotify, Deliveroo, Netflix, LinkedIn, Uber, Airbnb, BlaBlaCar etc. ont changé notre façon d'interagir avec notre environnement économique et une chose semble certaine, il n'y a aucun retour en arrière. Les Etats représentés par l'OCDE (qui représentent 93% du PIB mondial), conscients de la nécessité d'adapter leurs politiques budgétaires à une économie qui tend à être entièrement numérisée dans un avenir proche, ont lancé le dialogue sur la manière de relever ces nouveaux défis.

Nous avons analysé les deux défis suivants du point de vue de la fiscalité internationale :

  • Prenons un exemple des nouveaux défis de la révolution numérique : comment pouvons-nous démontrer et placer les avantages économiques dans un contexte mondial numérisé où les entreprises jouent un rôle important dans des économies où elles ne sont pas physiquement établies ? Si nous pensons à YouTube, par exemple, un réseau social avec des millions d'utilisateurs qui sert d'intermédiaire et facilite l'échange entre les utilisateurs, qui créent des contenus, et les utilisateurs, qui les regardent et collectent une grande quantité de données pouvant ensuite être utilisées et apporter un bénéfice, comment quantifier ce bénéfice, et surtout où l'imposer ?
  • D'après l'article 5 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE "Au sens de la présente Convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité économique […] », il semble évident que le fait de pouvoir établir des relations avec les clients à distance a éliminé dans de nombreux cas, le besoin d'une présence physique et d'infrastructures de vente dans une juridiction donnée. L'OCDE a pris plusieurs mesures pour mettre en œuvre des changements importants afin d'intégrer ces nouveaux modèles d'entreprise en adaptant, par exemple, le concept d'établissement stable pour intégrer l'économie numérique dans le cadre fiscal international (article 5 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE et action 7 du BEPS). Les changements mentionnés visaient à empêcher les États de se soustraire artificiellement au statut d'établissement stable. 

Comment les gouvernements s'adaptent-ils à ces changements ?

Le 23 janvier 2019, l'OCDE a publié la note de politique générale "Relever les défis fiscaux de la numérisation de l'économie" (voir: OECD, 2019). Ce document fait suite à un rapport intermédiaire, datant de 2018 (voir: OECD, 2018), dans lequel plusieurs références sont faites quant à l'impact que le plan d'action BEPS a eu sur l'économie numérique. Un exemple flagrant, comme mentionné plus haut, concerne l'évolution des "structures commerciales" basées sur la vente à distance au sein de plates-formes en ligne. En effet, il est désormais difficile pour les entreprises numérisées de fournir à distance des produits ou des services sur un marché sans tomber dans le nouveau seuil de l'agent dépendant.

Le document analyse, entre autres, la logique de la création de valeur dans trois différents modèles d'affaires entièrement numérisés. Le premier modèle est caractérisé par une création de valeur en transférant le produit de l'entreprise aux clients (Amazon, Alibaba, etc.). Le second se définit en organisant et en facilitant les échanges entre utilisateurs (YouTube, Facebook, etc.) alors que le troisième se forme en résolvant différents problèmes ou demandes des utilisateurs (Clouds, etc.). L'identification des différents modèles d'affaires numérisés est un bon point de départ pour identifier les conséquences fiscales qui en découlent.

Outre ce qui précède, l'OCDE tient également compte des implications importantes de la propriété intellectuelle dans l'économie numérique et des conséquences fiscales découlant de la localisation du contrôle et de la gestion de cette propriété intellectuelle. Il est aujourd'hui compliqué d'établir des sociétés holding dans des juridictions à faible fiscalité avec l'intention d'éviter l'imposition anticipée sur les revenus passifs. En outre, toute décision fiscale ou accord similaire garanti par l'administration fiscale fait désormais l'objet d'un échange d'informations.

Certaines juridictions ont pris des mesures particulières pour adapter leur politique fiscale aux temps nouveaux : l'Inde, par exemple, a introduit un nouveau Nexus basé sur le concept de "présence économique significative", l'Italie prélève une taxe sur les transactions numériques, la Hongrie a mis en place une taxe publicitaire et la France une taxe sur la distribution en ligne et physique de contenus audiovisuels. 

En Suisse, le Secrétariat d'Etat aux finances internationales (SFI) a publié (voir : SFI, 2019 sous: Position actualisée du SFI sur la fiscalité de l'économie numérique, daté du 15 janvier 2019) une position actualisée sur l'imposition de l'économie numérique en 2019 qui souligne l'importance de la numérisation et l'engagement de l'économie suisse à disposer du meilleur cadre possible pour le commerce numérique et l'innovation. Dans ce contexte, la Suisse est clairement favorable à l'innovation, à une concurrence fiscale équitable et à la mise en place de mécanismes contre la double imposition et la surimposition. Le profit doit être prélevé là où la valeur est créée, en ce sens, des incitations sont créées pour fournir de bonnes conditions qui permettent aux entreprises de produire efficacement. Actuellement, la Suisse n'envisage pas d'introduire des mesures au niveau de la taxe numérique proposée dans l'Union Européenne.

  • Afin de minimiser l'impact sur notre économie et sur nos entreprises et de maximiser les bénéfices résultant de l'évolution numérique, nous devons adapter nos modèles économiques à l'économie numérique et à la fiscalité numérique.
  • Une chose est sûre, il n'y a pas de retour en arrière et les entreprises qui dirigent les changements seront plus susceptibles d'être préparées aux nouveaux défis que présente l'économie numérique.

Et vous, êtes-vous prêts ?