Lutte concrète contre l’évasion fiscale

Avec l’approbation de la convention BEPS par le Parlement en date du 22 mars 2019, la Suisse a une nouvelle fois démontré son engagement dans la promotion de la transparence et la création de conditions de concurrence équitable en matière d’imposition des entreprises multinationales. En l’absence de référendum (délai référendaire fixé au 11 juillet 2019), il est prévu que la convention BEPS déploie ses effets à compter du 1er janvier 2020. Quelles sont les conséquences pour la Suisse ?

La convention BEPS, un instrument multilatéral efficace

Dans le contexte de la lutte contre l’évasion fiscale des sociétés multinationales, les pays de l’OCDE, dont la Suisse, ont élaboré un instrument multilatéral (« convention BEPS ») permettant de mettre en œuvre des standards minimaux (actions ciblées du projet BEPS), déterminés dans le cadre du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting).

Il s’agit d’une convention autonome constituant le fondement de la modification des CDI (Conventions de Double Imposition) en vigueur afin qu’elles puissent être modifiées sans protocole de révision bilatéral. Sa signature a été effectuée le 7 juin 2017 à Paris par plus de 70 juridictions, dont la Suisse.

La convention BEPS modifie les conventions fiscales qui sont des « conventions fiscales couvertes » c’est-à-dire une CDI en vigueur dans les Etats parties à la convention BEPS et pour laquelle les deux parties ont notifié leur souhait que cet accord soit couvert et modifié par la convention BEPS.

Etats partenaires actuels de la Suisse

En vertu de la convention BEPS, la Suisse ne peut modifier les CDI qu’avec les Etats (i) qui partagent son opinion selon laquelle la convention BEPS modifie les CDI concernées et, (ii) qui sont disposés à déterminer d’un commun accord la teneur exacte de la CDI modifiée par la convention BEPS.

Sur cette base, à ce jour, la Suisse compte 12 Etats partenaires : l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Autriche, le Chili, l’Islande, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, le Mexique, le Portugal, la République tchèque et la Turquie.

Concernant les CDI avec les Etats ne remplissant pas les conditions susmentionnées, la Suisse peut conduire des négociations bilatérales afin de procéder aux modifications intégrant les standards minimaux du projet BEPS. Des négociations en ce sens ont déjà abouti ou sont en cours, avec l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, le Brésil, la Corée, l’Ethiopie, l’Irlande, le Kosovo, le Koweït, la Lettonie, Malte, la Norvège, le Pakistan, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Ukraine et la Zambie.  

Position suisse quant aux modifications selon la convention BEPS

En substance, suite aux réserves formulées par la Suisse lors de la signature de la convention BEPS, les CDI seraient modifiées comme suit :

-       Elaboration d’un préambule précisant expressément qu’en plus de l’élimination de la double imposition, les CDI n’offrent pas de possibilité de double non-imposition ou d’imposition réduite via des pratiques de fraude ou d’évasion fiscale ;

-       Ajout d’une clause anti-abus général selon laquelle les avantages des CDI devront être refusés si l’obtention de ces avantages s’avèrent être le principal but d’une transaction ou d’un arrangement (sauf exception)  ;  

-       Introduction d’une disposition empêchant une double exemption involontaire en raison d’un conflit de qualification ;

-       Harmonisation des dispositions sur la procédure amiable et sa mise en œuvre dans les CDI couvertes par la convention BEPS ;

-       Insertion d’une clause d’arbitrage dans les CDI couvertes par la convention BEPS.

Grâce à ces modifications, la Suisse met ainsi en œuvre les standards minimaux relatifs à la prévention de l’utilisation abusive des conventions et à une meilleure efficacité des mécanismes de règlement des différends.

Etes-vous concernés ?  

Oui, si vous évoluez dans un contexte international !

Nous vous recommandons de revoir vos projets transfrontaliers ou vos investissements internationaux en cours ou futurs à la lumière des modifications qui pourraient être apportées par la convention BEPS aux CDI actuelles.

En particulier, il s’agirait d’identifier quels avantages découlant des CDI conclues par la Suisse seraient conservés, comme par l’exemple l’absence de règles SEC (« sociétés étrangères contrôlées » ou « CFC rules ») ou la non reconnaissance d’un établissement stable constitué par un commissionnaire.  

Nous suggérons également d’anticiper les changements qui pourraient survenir du fait de la convention BEPS ou encore de l’impact éventuel lié à une rétractation par des pays partenaires dans la qualification de CDI couvertes par la convention BEPS.